Les poignets
On tend parfois à développer des fascinations peu anodines. Certains se contentent de simples obsessions déplacées, d’autres de fétichismes plus particuliers… Et puis il y a ceux qui observent les poignets des gens. Les avant-bras, même, pour être plus complet.
Il n’y a rien de palpitant à regarder un poignet, c’est un fait. C’est juste une partie de bras, ce n’est même pas musclé, ça comporte des poils, ça débouche sur une main. C’est parfois décoré de bracelets ou de montres.
Et parfois, c’est orné de bijoux de peau, de souvenirs du passé : des cicatrices blanches ou encore rougeâtres qui se veulent discrètes. Plates ou gonflées, à divers endroits, nombreuses ou solitaires.
Seuls ceux qui en ont savent, observent et se questionnent. Qu’a traversé cette personne pour en arriver à la mutilation ? Fut-elle la marionnette de quelques funestes évènements, ou juste victime d’elle-même et de ses propres combats mentaux ? De quels maux peut-on bien être accablés pour se saigner la peau ? À moins qu’il ne s’agisse réellement d’un chat un peu trop violent ?
Il est amusant de constater comme parfois, on essaye de masquer ses plaies, accablé par la honte. La vérité, c’est que les gens s’en foutent et n’y prêtent même pas attention. Et s’ils le remarquent, ils seront pour la plupart bien trop dérangés par la vision de cette chair boursoufflée pour émettre le moindre commentaire, se contentant d’oublier aussi vite qu’ils l’ont vu.
On ne dirait pas, comme ça, mais quand on prend la peine d’observer, on serait bien étonné du nombre de gens qui portent des cicatrices, ou du nombre de cicatrices qui se portent sur les gens…
Texte 2011 – Photo 2016