Fantôme
Beaucoup en rêve et d’autres rêvent de s’en débarrasser : invisibilité. C’est un talent propre à l’adolescente, vide, inexistante, comme un fantôme errant.
(Quatorze ans.) Elle geignait. Elle pleurait. Elle se morfondait sur elle-même. Son quotidien lui semblait insipide et son avenir vide. Lorsqu’elle tentait d’imaginer le futur, elle ne voyait qu’une chambre blanche, des fenêtres à barreaux, un lit avec des chaînes. Un futur sans avenir, un avenir dépourvu de futur. Même les rêves la quittaient petit à petit, elle ne savait plus quoi faire, elle avait perdu son chemin, elle s’était perdue elle-même.
Je me souviens… En ces-temps là, elle ouvrait sa fenêtre au vent glacial de l’hiver et inspirait l’air froid à grandes bouffées jusqu’à s’en faire mal aux poumons. Elle observait les nuages, elle regardait les étoiles, elle aurait tellement voulu s’y fondre et disparaître. Tous les soirs, le même rite, une lame cachée près du rebord de la fenêtre. Des questions qui l’assaillaient et la fatiguaient, des larmes qui ne s’arrêtaient jamais même lorsque la pluie se calmait.
Chaque nuit ou presque, elle rêvait qu’elle fuyait. Les causes étaient diverses, mais c’était toujours le même but : fuir, courir, ne pas se retourner, avancer, se cacher, encore, toujours. On la poursuit, elle risque sa vie, si elle ne fuit pas, elle mourra. Pourquoi ?
La nuit, elle rêve qu’elle fuit pour ne pas mourir, le jour, elle fuit sa vie et rêve de mourir.
Mais elle n’en fait rien, elle a bien trop peur. Elle se contente de ressasser ses idées noires, encore et toujours, comme le font les adolescents. C’est tellement plus facile de se complaire au fond de son puits que d’en chercher la sortie. C’est tellement plus facile de rester dans le noir pour ne pas voir ceux qui s’inquiètent et se rongent de soucis.
Fantôme, sentiment propre à l’adolescente. Si l’on n’existe même pas pour soi, il n’y a rien d’étonnant à ce que les autres ne nous voient pas. Peut-être faudrait-il commencer par là ?
Photo 2008 – Texte 2012